RSD2018: Matt Holubowski – Epilogue

EP Québ pop folk en deux ambiances!

Album : Epilogue
Artiste : Matt Holubowski

En Test : 2018; vinyle 10po.; 2018 RSD

Étiquette : Audiogram; 190758060415

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La preuve que La Voix peut parfois mener loin, j’écris bien ici à propos de l’artiste montréalais bilingue qui a été dans l’équipe de Pierre Lapointe en 2014-2015, se rendant jusqu’en finale. Matt Holubowski, ayant clairement touché une corde sensible avec les personnes le découvrant, a été signé peu de temps après la saison par Audiogram. C’était une formalité pour ces derniers, le premier disque de 2014 d’Holubowski, « Ogen, Old Man » s’est écoulé à environ 15 000 exemplaires, tous assemblés à la main par l’artiste lui-même.

Plus tard en 2016, Matt Holubowski sortit un premier album avec Audiogram, « Solitudes ». Il est d’ailleurs toujours en tournée avec le matériel de ce dernier. Mais deux années, c’est long. Alors il a tout de même pensé à nous et a produit un beau petit disque étendu, une première face avec deux chansons avec une plus grande orchestration, et une deuxième face avec des chansons plus simples, avec voix, guitare et très peu d’orchestrations.

Pour la qualité, le disque est impeccablement enregistré, très simple, très efficace. En même temps, le médium du disque vinyle a été plus ou moins créé pour ce genre de pièces, ajoutant juste la bonne quantité de chaleur nécessaire à bien rendre cet artiste bien de chez nous. Malgré une dizaine de minutes par face, le disque de dix pouces s’en sort parfaitement bien, la musique étant très disparate, permettant de bien moduler la gravure et de maximiser l’espace utilisé. Le disque n’est donc pas compressé outre mesure, il n’a pas de bruit de fond, ni une coupure forte sur les hautes fréquences. Très bon travail de Marc Thériault au matriçage, lui qui a été sollicité entre autres par Marie-MaiSafia NolinSteve Hill ainsi que par Ariane Moffatt, et ce, cette année uniquement. [Je ne m’étends que rarement sur l’équipe technique, mais je dois mentionner qu’il a effectué le matriçage de l’excellent CD classique New Worlds d’Ana Sokolovic distribué par Analekta — sautez dessus!] De retour sur notre disque après ce petit aparté, en d’autres mots, par design, ce genre de disque est fait pour les disques vinyle, et à moins de travailler très fort pour massacrer le produit final (ce que beaucoup réussissent hélas – d’où l’utilité de ma chronique), le résultat va être excellent. Hâte de voir le prochain disque!

2018: Seun Kuti & Egypt 80 – Black Times

Retour de la légende, fils cadet!

Album : Black Times
Artiste : Seun Kuti & Egypt 80

En Test : 2018; vinyle double en encart

Étiquette : Strut Records, !K7 Label Group; STRUT163LP

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On a parfois la chance d’avoir de grandes familles musicales. On peut penser aux Marley bien entendu, et ici, on a droit aux Kuti. D’abord avec Fela Kuti (1938-1997), qui nous a habitués aux longues chansons d’une quinzaine de minutes sur un thème. Ensuite, avec son plus vieux fils, Femi Kuti, grand saxophoniste avec paroles toujours aussi incendiaires, reprenant bien l’Afrobeat de son père. Finalement, nous avons ici Seun Kuti, le plus jeune des fils de Fela, célébrant ici son dixième anniversaire d’enregistrement de disques avec le groupe de son défunt père Egypt 80. Black Times, un excellent disque suivant la tradition familiale d’Afrobeat, possède des chansons beaucoup plus courtes (moins de dix minutes par chanson), mais tout aussi incendiaires. La chanson-titre du disque est jouée de concert avec Carlos Santana à la guitare électrique, ce qui ajoute une touche magique au tout.

Il faut faire confiance à Strut pour produire de si grands disques. Il est rare d’avoir de mauvais produits avec cette étiquette, spécialisée dans la réédition de vieux disques. Mais ici, leur étiquette parente !K7 Label Group continue de leur donner carte blanche avec des exceptions confirmant la règle, en produisant des disques de nouveaux contenus. Malgré l’utilisation de moyens modernes, toute l’équipe de production, de Pierre Dozin à l’enregistrement (faisant affaire avec Seun depuis 2015), Qmillion au montage (ayant entre autres gagné un Grammy en 2013 pour Black Radio de Robert Glasper), jusqu’à Frank Merritt au matriçage vinyle (travaillant avec Strut depuis quelques années, dont le projet de réédition de Fẹla – Live In Detroit 1986), ont fait de leur mieux afin de conserver l’énergie et la sonorité propres à l’Afrobeat. De la basse à profusion, une simplicité d’arrangements malgré la quantité d’instruments, une sonorité coulante de souche donnant le goût de danser. Enfin différent de ce que Fela faisait, une belle progression du style musical, tout en restant déférent. Longue vie à Seun!

Réédition 1976/2018: 福居良トリオ (Fukui Ryo Trio) – ジーナリィ (Scenery)

La coqueluche jazz modal-bop YouTube sur une nouvelle étiquette vinyle!

Album : Scenery ジーナリィ
Artiste : Fukui Ryo Trio 福居良トリオ

V.O. : 1976; vinyle; Japon; Trio Records; PA-7148

En Test : 2018; vinyle 180g

Étiquette : We Release Jazz; WRJ001LTD

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La musique d’inspiration internationale est un cas spécial au Japon. Depuis la fin du 19e siècle est arrivée l’influence du reste de la planète côté arts. On peut le voir en musique avec l’arrivée progressive du classique, de l’écriture musicale occidentale, et plus tard du jazz dans les années 1930. Avec la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de ces influences de l’Ouest sont devenues illégales, étant la musique de l’Ennemi. Après la guerre, le Japon conserva un certain protectionnisme sain, mais continua de s’ouvrir sur le monde. Beaucoup des pièces musicales dans des styles plus occidentaux se doivent de conserver un certain style japonais. Par exemple, le grand Takeshi « Terry » Terauchi, un des meilleurs guitaristes de style rockabilly surf, emprunte un style de jeu au Koto et lorsque ses chansons, jugées trop occidentales, ne pouvaient plus être enseignées à l’école, il reprit dans son style rock des grandes chansons classiques japonaises.

Il y a eu donc un très grand engouement pour la musique jazz, mais cette dernière n’a jamais été mise à l’avant. Arriva Ryo Fukui (1948-2016) qui aimait ce genre de musique, mais n’avait rien d’un musicien. Autodidacte, il décida d’apprendre à jouer le piano par lui-même, et avec sa passion, devint un des meilleurs pianistes jazz d’improvisation en direct. Ses quelques albums en disent bien peu sur son illustre carrière, assez grande pour qu’il puisse s’ouvrir son propre club jazz, le Slowboat dans sa ville de Sapporo natale. Sa qualité de musicien est telle, tout en restant totalement cachée à la face du monde, qu’un simple vidéo de son premier album apparut sur YouTube en 2015, et depuis, cette copie numérique est rendue à plus de 6 millions d’écoutes au moment de la publication de ce billet.

Avec une telle folie, l’étiquette suisse WRWTFWW (We Release Whatever The Fuck We Want – le meilleur nom d’étiquette!) se dit qu’il était temps de diversifier ses activités et démarra une branche, WRJ (We Release Jazz), dont les deux premières offrandes sont les deux premiers disques de Fukui Ryo. Et quelle version! Autant je vous avais précédemment parlé de rock japonais qui n’avait pas une qualité exemplaire de bande maîtresse, autant celle-ci est tout simplement exceptionnelle! Récupérée des bandes à demi-vitesse, WRJ a mis tous les efforts nécessaires afin d’obtenir la version ultime de ses albums. Le disque pour Scenery est tout simplement parfait! Une superbe qualité sonore, un parfait écrin qui sied un tel bijou de disque.

Si vous aimez le jazz cool, modal et bop, sautez sur les quelques copies restantes de ce disque, vous n’allez pas le regretter!

2013: Maurice Ravel – oreloB

Le Boléro de Ravel, à lire à l’envers!

Album : oreloB
Pièces : Maurice Ravel – Boléro; Maurice Ravel – La Valse

Artiste : Orchestre Philharmonique des Pays-Bas; Carlo Rizzi, Cond.

En Test : 2013; vinyle 180g gravé du centre

Étiquette : Tacet; TACET L207

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C’est l’histoire un peu spéciale de quelques fous de la technique qui se sont posé la question de comment bien rendre le Boléro sur un disque vinyle. Cette pièce a toujours été problématique. En effet, le système de disque vinyle peut être décrit comme étant à vitesse angulaire constante, donc, faire un tour de 360 degrés sur la table tournante prend toujours exactement le même temps. Ça veut dire que si on remplaçait l’aiguille de la table tournante par une petite roue, on verrait qu’au début du disque (l’extérieur), la roue roule réellement vite, et plus on se rend près du centre à la fin de la face, plus elle roule lentement. C’est sans compter que les aiguilles de table tournante sont habituellement ajustées à ce qu’elles soient droites au quart et à la moitié du disque, de façon à maximiser la qualité sur la majeure partie du disque, donc, plus on s’approche du centre, plus l’aiguille est décentrée. Ceci est contrairement à un CD qui est à vitesse linéaire constante, soit qu’au centre du CD (son début), le CD tourne rapidement, et plus on s’approche du bord (la fin), plus le disque ralentit. Si on mettait une petite roue sur le laser, la roue tournerait toujours à la même vitesse, que ce soit au début du disque ou à la fin du disque.

Les disques démarrant au centre existent, mais ils sont très rares. On peut penser à Lazaretto de Jack White sorti une année après cette version du Boléro, qui a une face jouant à l’envers aussi, mais lui, c’est parce que c’est un fou, alors ce n’est pas pareil!

Alors pour revenir à notre pièce de musique, le Boléro est un cas spécial, la pièce démarrant très faiblement et le volume devenant de plus en plus fort de façon linéaire jusqu’à une apothéose sonore où tout l’orchestre joue les quelques dernières notes, avec percussions en prime. De démarrer le disque au centre lors de la partie la plus faible de la pièce, où l’aiguille passe sur moins de vinyle et donc risque de ramasser moins de bruit de fond, et d’aller vers la bordure, où toute la complexité et la force orchestrale peuvent être mises à profit, est une excellente idée.

Je vais faire un petit aparté sur l’interprétation, tout de même. Le Boléro de Ravel est « la » pièce mise de l’avant par Charles Dutoit lors de son long séjour à la barre de l’Orchestre Symphonique de Montréal, on a eu droit à des années où cette pièce était jouée à chacun de ses concerts gratuits en plein jour. Disons que nous avons, avec le temps, eu droit à des versions assez impressionnantes, voire impeccables. D’autres orchestres ont su comprendre comment bien jouer cette pièce, simple et problématique (l’interprétation de Von Karajan est particulièrement bonne), qui doit être jouée de main de fer, avec précision et clarté. C’est une véritable torture pour le percussionniste qui se doit de donner le ton à tout le reste de l’orchestre, sans se tromper, en augmentant graduellement la force de frappe, sans jamais s’arrêter. C’est aussi une complexité pour tous les instruments de l’orchestre, qui ont droit à leurs moments de solo, avec légères particularités. On pense aux cuivres qui doivent sortir une version jazzée, mais tout en restant à un volume constant, s’emporter sans le faire. Bref : ce n’est pas donné à tout le monde, et ce n’est pas donné à cette version actuelle, qui est honnête, mais qui n’est pas une très grande version.

Pour le reste, côté qualité, la meilleure chose que je puisse dire, c’est que le disque est très bien enregistré, il n’a aucun défaut de lecture. Je considère que certains instruments sonnent un peu électroniques à quelques reprises, mais techniquement, il n’y a rien à redire sur l’écoute du Boléro lui-même. Je remets en question La Valse, qui n’est pas aussi adaptée à une écoute à l’envers, malgré que ça ne lui fait pas de mal. J’aurais personnellement plus opté pour l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski comme étant une face B naturelle, peut-être avec des vrais canons de façon à concurrencer la version Telarc, ou, à mon avis, la version Mercury, qui est légèrement moins dynamique, mais pour lequel l’orchestre est réellement meilleur.

Pour audiophiles (bref : sonorité impeccable, interprétation adéquate)

Réédition 1970/2017: 吐痙唾舐汰伽藍沙箱 – 溶け出したガラス箱

Melting Glass Box est réédité!

Album : 溶け出したガラス箱 Melting Glass Box
Artiste : 吐痙唾舐汰伽藍沙箱 Tokedashita Garasubako
Membres du groupe : 西岡たかし Nishioka Takashi, 木田高介 Kida Takasuke, 斉藤哲夫 Saito Tetsuo

V.O. : 1970; vinyle; URC Records; URG-4003

En Test : 2017; vinyle en encart

Étiquette : Pony Canyon; URC Records; PCJA-00070

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Le rock psychédélique et l’expérimentation musicale n’existent pas qu’en Europe et en Amérique. Au contraire, des très grands rockeurs ont fait dans l’expérimental au Japon. Hélas peu connus ici, ces grands de la musique suivent tout le mouvement expérimental de rubans et de rock mondial, leur ajoutant une touche japonaise très prisée. Le groupe est d’ailleurs décrit par l’étiquette Light In The Attic comme étant du rock acide folklorique japonais avec des guitares électriques folles et plein d’effets psychédéliques ajoutés pour la forme. Le groupe Tokedashita Garasubako, comprenant des musiciens de studio qui se rencontrèrent le temps de cet album, est un bel exemple de folie parfaitement adaptée au début des années 70. Après le psychédélisme « peace and love » des années 60, c’est le tour aux guitares électriques d’être à l’avant-plan.

Pour la qualité de l’album, le disque est rempli d’effets de rubans, ce qui a réduit considérablement la qualité de la source. On peut aussi penser aux années que la source a passé sur les tablettes, ce qui n’a pas amélioré son sort. De plus, leur but n’a jamais particulièrement été de faire de la très grande qualité de source, malgré qu’ils soient tout de même restés loin de la limite du « lo-fi ». La sonorité est donc grinçante, les aigus crispent légèrement l’oreille de temps à autre. Pour le reste, c’est un superbe travail d’archivage, surtout que le disque est un chef-d’œuvre du genre.

On achète tous les autres disques des rééditions de Pony Canyon si on aime le genre. Dépaysement et découvertes garantis!