2013: Maurice Ravel – oreloB

Le Boléro de Ravel, à lire à l’envers!

Album : oreloB
Pièces : Maurice Ravel – Boléro; Maurice Ravel – La Valse

Artiste : Orchestre Philharmonique des Pays-Bas; Carlo Rizzi, Cond.

En Test : 2013; vinyle 180g gravé du centre

Étiquette : Tacet; TACET L207

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C’est l’histoire un peu spéciale de quelques fous de la technique qui se sont posé la question de comment bien rendre le Boléro sur un disque vinyle. Cette pièce a toujours été problématique. En effet, le système de disque vinyle peut être décrit comme étant à vitesse angulaire constante, donc, faire un tour de 360 degrés sur la table tournante prend toujours exactement le même temps. Ça veut dire que si on remplaçait l’aiguille de la table tournante par une petite roue, on verrait qu’au début du disque (l’extérieur), la roue roule réellement vite, et plus on se rend près du centre à la fin de la face, plus elle roule lentement. C’est sans compter que les aiguilles de table tournante sont habituellement ajustées à ce qu’elles soient droites au quart et à la moitié du disque, de façon à maximiser la qualité sur la majeure partie du disque, donc, plus on s’approche du centre, plus l’aiguille est décentrée. Ceci est contrairement à un CD qui est à vitesse linéaire constante, soit qu’au centre du CD (son début), le CD tourne rapidement, et plus on s’approche du bord (la fin), plus le disque ralentit. Si on mettait une petite roue sur le laser, la roue tournerait toujours à la même vitesse, que ce soit au début du disque ou à la fin du disque.

Les disques démarrant au centre existent, mais ils sont très rares. On peut penser à Lazaretto de Jack White sorti une année après cette version du Boléro, qui a une face jouant à l’envers aussi, mais lui, c’est parce que c’est un fou, alors ce n’est pas pareil!

Alors pour revenir à notre pièce de musique, le Boléro est un cas spécial, la pièce démarrant très faiblement et le volume devenant de plus en plus fort de façon linéaire jusqu’à une apothéose sonore où tout l’orchestre joue les quelques dernières notes, avec percussions en prime. De démarrer le disque au centre lors de la partie la plus faible de la pièce, où l’aiguille passe sur moins de vinyle et donc risque de ramasser moins de bruit de fond, et d’aller vers la bordure, où toute la complexité et la force orchestrale peuvent être mises à profit, est une excellente idée.

Je vais faire un petit aparté sur l’interprétation, tout de même. Le Boléro de Ravel est « la » pièce mise de l’avant par Charles Dutoit lors de son long séjour à la barre de l’Orchestre Symphonique de Montréal, on a eu droit à des années où cette pièce était jouée à chacun de ses concerts gratuits en plein jour. Disons que nous avons, avec le temps, eu droit à des versions assez impressionnantes, voire impeccables. D’autres orchestres ont su comprendre comment bien jouer cette pièce, simple et problématique (l’interprétation de Von Karajan est particulièrement bonne), qui doit être jouée de main de fer, avec précision et clarté. C’est une véritable torture pour le percussionniste qui se doit de donner le ton à tout le reste de l’orchestre, sans se tromper, en augmentant graduellement la force de frappe, sans jamais s’arrêter. C’est aussi une complexité pour tous les instruments de l’orchestre, qui ont droit à leurs moments de solo, avec légères particularités. On pense aux cuivres qui doivent sortir une version jazzée, mais tout en restant à un volume constant, s’emporter sans le faire. Bref : ce n’est pas donné à tout le monde, et ce n’est pas donné à cette version actuelle, qui est honnête, mais qui n’est pas une très grande version.

Pour le reste, côté qualité, la meilleure chose que je puisse dire, c’est que le disque est très bien enregistré, il n’a aucun défaut de lecture. Je considère que certains instruments sonnent un peu électroniques à quelques reprises, mais techniquement, il n’y a rien à redire sur l’écoute du Boléro lui-même. Je remets en question La Valse, qui n’est pas aussi adaptée à une écoute à l’envers, malgré que ça ne lui fait pas de mal. J’aurais personnellement plus opté pour l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski comme étant une face B naturelle, peut-être avec des vrais canons de façon à concurrencer la version Telarc, ou, à mon avis, la version Mercury, qui est légèrement moins dynamique, mais pour lequel l’orchestre est réellement meilleur.

Pour audiophiles (bref : sonorité impeccable, interprétation adéquate)