Les nouveaux (ou moins) albums quebs (ou moins): Première partie

Il fait enfin beau, chaud, c’était la Saint-Jean, et une petite semaine de repos et de relaxation. Quoi de mieux comme beau moment pour réduire un peu mon mur de la honte, et faire le tour des disques québécois qui sont sortis récemment ainsi que quelques perles des bonnes vieilles années ?

Go ? Go !

2016: Émile Bilodeau – Rites de Passage

Artiste: Émile Bilodeau
Album: Rites de Passage

En Test: 2016; Vinyle

Étiquette: Grosse Boîte; Dare To Care; DTC5-4651

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En 2016, c’était l’année du chansonnier Émile Bilodeau. Et 2017… et 2018… et 2019… Parfois, un simple disque peut tout changer pour un artiste. Les enfants ici chantent « J’en ai plein mon cass » depuis quelques mois, et c’est sans compter les autres chansons, crues, réelles, un peu en rap, un peu hip-hop, mais chansonnier à guitare. Un disque, une révélation Radio-Can, quelques prix, et une tournée perpétuelle depuis ce temps. Il y a bien des années, Charlebois avait dit que les disques, c’est une carte d’affaires pour artistes, afin d’obtenir le privilège de faire des spectacles partout au Québec. C’est définitivement ça pour Bilodeau. Depuis, un nouveau vidéoclip, une nouvelle chanson, mais aussi de nouvelles chansons qu’on peut écouter si on va à ses spectacles.

Pour le disque vinyle, il n’est plus vraiment en circulation, il n’y en a plus beaucoup, mais il y en a assez pour l’acheter neuf si vous le commandez. Ça se trouve ! Et côté vinyle, c’est un Dare To Care, alors c’est habituellement bien réussi ! Il y a des petites passes guitare voix à faire plaisir aux audiophiles, mais surtout, un bon disque à écouter. Beaucoup de musique par face, alors la qualité s’en ressent parfois. Si je compare avec Ed Sheeran avec un style similaire, qui toutefois fait des disques doubles, il y a une perte nette. Mais le disque est tout de même très bien réussi. On achète pendant qu’il se trouve encore.

Qualité du vinyle: 7/10


Réédition 1968/2011: Les Maledictus Sound

Artiste: Les Maledictus Sound
Album: Les Maledictus Sound

V.O.: 1968; Vinyle; Canusa; CLJ-33-113

En Test: 2011; Vinyle en encart

Étiquette: Mucho Gusto; MGLP001

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Ouais, c’est Français, et pas vraiment en même temps. Création de Jean-Pierre Massiera, l’inventeur du prog rock french touch, et un des premiers exemples d’échantillonnage connu (on y retrouve en effet quelques passages de la bande sonore de Pierre Henry et Michel Colombier), le disque a été produit très rapidement par Canusa au Québec. Oui oui, l’étiquette de Tony Roman lui-même, parce que ce dernier a été coproducteur et co-idéateur de cet enregistrement disjoncté ! Et encore plus, on a droit à l’introduction de Guy Cloutier en arrière de la pochette aussi !

L’étiquette Mucho Gusto a rapidement mis la main sur les bandes, et en 1999, ils ont sorti le seul exemplaire CD de ce chef d’œuvre de musique improvisée à grand déploiement. En 2011, ils ont aussi sorti une nouvelle version vinyle pour notre plus grand plaisir. Bref : c’est peut-être européen, mais c’est une belle histoire d’amour avec le Québec. Dans nos cordes !

Et le vinyle n’a pas été fait en cinq minutes, très belle réalisation à partir des bandes originales, écoute enjouée, ça s’amuse, c’est yé-yé, c’est orchestral, ça s’écoute parfois bien, parfois mal, parfois avec une sonorité vieillie. Mais somme toute, c’est le pied. On est dans un monde « 60s total sans anachronisme.

Qualité du vinyle: 8/10


Réédition 2003/2018: Arcade Fire – Arcade Fire

Artiste: Arcade Fire
Album: Arcade Fire

V.O.: 2003; CD; Autoproduit; AFCD001

En Test: 2018; Vinyle en encart numéroté (#05589); Autoproduit; Record Store Day 2018; 19075801831

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Dans nos artistes internationaux qui ont travaillé d’arrache-pied pour arriver où ils sont aujourd’hui, il y a bien Arcade Fire. Premier disque en production personnelle, chansons un peu n’importe quoi, voix incertaines, n’empêche qu’il y avait « quelque chose » qui a plu dès ce premier disque à Merge Records, qui les a signés pour leur premier vrai album, Funeral, quelques mois plus tard. Et à partir de ce moment, gros succès, meilleur album, la totale. Mais comment suivre un tel succès ? Se relever les manches et travailler encore plus afin d’avoir un excellent disque, Neon Bible… et ensuite The Suburbs. Tous des disques qui sont incroyables de qualité. Mais le tout a débuté avec ce premier petit disque, EP, tout simple.

L’an passé, Arcade Fire a sorti leur premier disque, leur tout premier bébé, pour la première fois en vinyle. Une primeur Record Store Day, et un bel achat pour les passionnés du groupe. De couleur bleu transparent très foncé, le vinyle est légèrement bruyant, mais rend parfaitement bien l’atmosphère de ce premier et court opus. Je crois que je n’ai simplement pas été chanceux à la loterie des disques, probablement que j’ai une copie avec plus de bruit de fond que la moyenne, mais j’ai apprécié le disque quand même. Pour admirateurs, mais bel objet et bonne écoute.

Qualité du vinyle: 6/10


Réédition 2018/2019: Hubert Lenoir – Darlène

Artiste: Hubert Lenoir
Album: Darlène

V.O.: 2018; CD; Simone Records; SMCD041

En Test: 2019; Vinyle numéroté marbré bleu (#181/1000)

Étiquette: Simone Records; SMLP041

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Je vous ai récemment parlé de Kid Kouna et de sa production folle aidée par P572Hubert Lenoir, a poussé à l’extrême leur patience avec un disque disjoncté : instantané collé (plusieurs variations), numéro de disque écrit au crayon de sang, pochette imprimée à l’intérieur comme à l’extérieur, enveloppe plein de trucs dont un Polaroid, plusieurs couleurs de disques, en veux-tu ? En v’là ! Mais parlons un peu de Hubert Lenoir. Un de nos originaux, jeune, joyeux, différent, l’âme autant punk rock avec une liberté faisant penser au New Wave des années 80. Oh que les matantes ne l’aiment pas, notre Lenoir national. Moi, justement c’est ce que j’aime : on ne parlerait plus de Ziggy Stardust s’il était en veston-cravate. On ne parlerait plus de Lou Reed et son Walk on the Wild Side s’il n’était pas si urbain et cru. Je ne pense pas que Hubert Lenoir soit là pour la polémique, je crois plus qu’il a décidé d’être lui-même, et de faire passer ce qu’il est, peu importe comment ça sort. Darlène, premier album primé avec raison !

Et le vinyle, c’est le disque qu’il fallait acheter lorsqu’il était disponible. Pas une production parfaite, justement les disques vinyle méritent parfois avoir quelques ajustements, dont les de-esser, à cause que les fréquences très élevées causent des problèmes à la gravure et à la reproduction, noyant tout sur son passage. C’est visible surtout avec Recommencer. Mais une écoute parfaitement honnête avec tout ce qu’on aime des vinyles : l’objet est incroyable et l’écoute est dérangeante de vérité.

Qualité du vinyle: 7/10


2019: Jean Leloup – L’étrange pays

Artiste: Jean Leloup
Album: L’étrange pays

En test: 2019; Vinyle

Étiquette: Grosse Boîte; Dare To Care; DTCLP4446

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Encore une autre semaine ! C’est le refrain qui a été entendu par les disquaires, la ritournelle à chaque semaine que le vinyle d’existait toujours pas. Lancement du disque, sans disque ! Juste la version CD qui y était. Ceux qui me lisent sur le magazine TED en ligne savent que j’ai fait une entrevue avec René Laflamme, fier ambassadeur de Nagra et celui qui gagne à peu près tous les prix de meilleure sonorité dans chaque salon audiophile où il se présente. J’ai aussi récemment fait une critique de son premier disque vinyle et le défi de la qualité sonore pour les disques vinyle. Je sens que c’est un peu la même chose avec ce disque : on a droit à un Jean Leloup qui s’enregistre de façon intime, presque en direct, avec un équipement minimaliste. Un enregistreur Nagra, un enregistreur Aaton, des câbles Luna, quelques micros, et rien de plus. Mais pour conserver le maximum de qualité, j’ai vraiment l’impression que Dare To Care a pris son temps et s’est assuré que le vinyle soit impeccable.

Impeccable ? Non, j’ai un peu trop de bruit de font qui provient clairement de la gravure, surtout sur Les Goélands. Et je n’ai pas l’impression que c’est l’impression subséquente qui cause ce problème, j’ai vraiment plus l’impression qu’il s’agit d’un problème à la galvanoplastie initiale, le disque était très silencieux dans les passages silencieux, mais il perd de la solidité sur les moments musicaux complexes. Ceci dit, le disque est l’un des meilleurs que j’ai entendu récemment. Presque parfait !

Qualité du vinyle: 9/10

(NDLA: Je suis fier possesseur de câbles Luna, suis ami avec les manufacturiers qui travaillent à la main, gagnant prix et accolades à travers la planète – et un jour, j’aurai ma Nagra IV-S! Bref, je suis biaisé!)

2019: Kid Kouna

Du punk trash pour enfants?!

Artiste: Kid Kouna
Album: Kid Kouna

En Test: 2019; Vinyle

Étiquette: Padoum; P01

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Pour ceux qui me lisent depuis des années, vous le savez : j’aime les bibittes ! Et ça tombe bien, Keith Kouna, le grand frère de Kid, est toute une bibitte de notre paysage médiatique québécois. Il fait dans tous les styles, tous les genres avec ses projets, va dans le consensuel plus convenu, mais aussi dans le punk rock avec ses fantastiques Goules qu’il a ravivées en 2016 (voir mon article à ce sujet). Kouna, c’est un fort sympathique et passionné électron libre… et un électron libre papa.

On a eu droit à la découverte de Kid Kouna en octobre 2018 lors du fantastique Cabaret Dada Love du Festival Phénomena, petite apparition de ce nouveau personnage déjanté qui y va de tous les styles musicaux et qui traite de tous les sujets tabous pour les enfants. Que ce soit de l’histoire d’un renard trop futé (Padoum, dont le titre de la chanson est aussi le label de production du disque) ou la mauzusse de dernière voyelle pas rapport (Voyelles.)

Capture provenant du vidéo d’extraits du festival Phénomena 2018

Kid Kouna, c’est aussi un disque entièrement autoproduit et autogéré : aucune distribution autre que des visites chez les disquaires pour remettre quelques-uns des mille CD et des trois cents vinyles. Il faut vraiment croire en son projet pour se lancer dans une telle aventure. Épaulé, bien sûr, par beaucoup de ses petits amis découverts dans les différentes garderies : le P572 des Goules avec Sam Murdock, le Team Pochette et compagnie (aussi responsables du disque vinyle de Hubert Lenoir) ; Frédéric Desroches qui a aussi participé à son dernier Bonsoir ShérifMartien Bélanger à l’enregistrement, avec qui il travaille depuis les Bombes; et bien sûr, Richard Addison, qui s’est tapé de faire un tout cohésif de tous ces genres musicaux étranges.

Comme d’habitude, je ne me permettrai pas de critique musicale, mais je peux tout de même dire que je me suis amusé en sale à écouter ce disque. Côté qualité, on a droit à une trifecta : un bel objet, un matriçage de Addison qui laisse respirer et ne nous maximise pas tout, et une très bonne gravure. Ma fille a dansé sur beaucoup des chansons ! On le voit juste à l’ouverture du disque à quel point c’est un travail d’amour, et cet amour se poursuit à l’écoute. Il y a quelques légères carences de volume coté basse qui apparaît soudainement bombant et parfois ténue. Les styles musicaux variés exigent une présentation différente à chaque chanson ce qui rend l’album légèrement inégal. L’écoute active en est légèrement affectée, mais l’écoute de party avec les enfants, c’est le pied ! Le vinyle n’est pas nécessaire en tant que tel, mais il ajoute une très belle touche et tonalité. Premier disque vinyle trash de vos enfants ?

Qualité du vinyle: 8/10

Réédition 1969/2019: The Don Rendell/Ian Carr Quintet – Change Is

… et quel changement!

Artiste: The Don Rendell / Ian Carr Quintet
Album: Change Is

V.O.: 1969; Vinyle; Columbia Records; SCX 6368

En Test: 2019; Vinyle; 180g

Étiquette: Jazzman; EMI
JMANLP 111X

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C’est difficile de surestimer l’importance de ce quintette sur la musique jazz, ou même l’importance de ce disque en particulier. Le jazz possède ce quelque chose d’immanquablement américain, de black, de musique du peuple aussi. C’est une musique issue de la rue, une version grande ville du delta blues. Mais pour tous les grands musiciens de ce bord de l’océan, il y en a quelques-uns qui s’infiltrent de l’autre bord aussi. Le quintette de Don Rendell et de Ian Carr est exactement ça : des musiciens incroyables qui nous invitent dans leur univers disparate.

Et c’est exactement ce que Change Is nous présente : parfois de la musique actuelle, parfois du jazz libre, des thèmes basés sur de la musique rock, parfois des standards britanniques, et même de la musique populaire du temps. C’est britannique avec la tasse de thé, le chapeau melon et la pipe avec les bottes yé-yé et les formes psychédéliques dans le projecteur à huile ; c’est aussi libre qu’une session d’amis qui s’enregistrent ; ça passe de midi à quatorze heures, il y a de tout ! Côté disque, c’est le dernier de participation entre Rendell et Carr, ce dernier démarrant son groupe rock/free jazz Nucleus peu après. C’est aussi le premier disque du clarinettiste Stan Robinson, autre grand musicien ayant une longue carrière avant et après ce disque.

Et pour le vinyle, cette série de rééditions de 2019 est une incroyable bombe ! 50 ans après la sortie initiale, le disque d’origine, jamais réédité en vinyle, se vend à des prix stratosphériques. L’unique version CD nous proposant l’unique autre chance d’obtenir ce chef-d’œuvre. Pour donner une idée, l’édition trop limitée de mille copies des cinq disques se vend dans les 500 $… Bref : que vous détestiez ou non la version, c’est ce que vous allez avoir. Et nous sommes chanceux, le disque est extraordinaire ! Reste que la prise de son initiale est un peu chambranlante, avec des volumes qui augmentent et descendent au gré de la musique qui s’y joue, mais on parle ici du matériel source. Quel travail de Colin Young à la restauration et Alex Wharton au rematriçage ! On pardonnera les petits côtés avec les percussions ressortant les transitoires de façon exacerbée pour faire plaisir aux audiophiles, et on se concentrera sur le matériel musical sublime.

Une collection à avoir !

Qualité du vinyle: 9/10 et pour un Jazzman, c’est inespéré!

2019: Dream Theater – Distance Over Time

Le retour métal attendu de Dream Theater!

Artiste: Dream Theater
Album: Distance Over Time

En Test: 2019; Vinyle double; Édition limitée, disque noir

Étiquette: Inside Out; Sony Music
19075925631

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Dream Theater est un des précurseurs du métal progressif et un des groupes dont le style a le plus été copié. On pourrait presque considérer que le groupe n’a pas de style tellement il ratisse large. Que ce soit du symphonique, du rock progressif, voire même du rock populaire, qu’il y ait des parties plus ambiantes (le Dream doit bien apparaître quelque part) ou émules de speed metal, c’est métallique à souhait. Commercial aussi avec tout ce qui peut déplaire aux « vrais » métalleux, soit le manque de chant guttural, les effets, les claviers, les guitares nettes. C’est vrai que le groupe est d’abord progressif, et ensuite métal. Mais que de les reléguer aux oubliettes serait une erreur majeure. Et juste pour les musiciens incroyables du groupe, ça vaut la peine de les écouter, sans compter les très bonnes compositions. C’est fait pour de grands stades. C’est épique, héroïque, fait pour le head banging, et fait pour idolâtrer les musiciens prodiges ; on s’imagine le spectacle de lumières sans même le voir !

Ça faisait plus de deux ans que le groupe de l’incroyable guitariste John Petrucci se ressourçait. Pas de spectacles, pas de tournées, pas de nouvelles. Jusqu’à, enfin, l’annonce d’une tournée et d’un nouveau disque. Ce disque est le digne successeur de tous les autres disques avec Mike Mangini aux percussions, soit un très bon disque, fait pour faire plaisir aux admirateurs (et faire découvrir le groupe à de nouvelles personnes), mais qui ne change pas radicalement la recette. Ce n’est pas leur Train of Thought de 2003 où ils en ont mis plein la vue à leurs admirateurs métalleux, mais ils quittent quand même le côté progressif pur des derniers albums pour s’aventurer côté métal sur certaines pièces, ce qui est vraiment le bienvenu. Et quelles bonnes compositions ! J’ai Paralyzed dans la tête depuis la sortie du disque.

Et côté vinyle, c’est un peu ce que je reproche à la majeure partie des albums métal, soit que c’est très violemment compressé, avec deux volumes : le volume à briquets et le volume de déchire. Les instruments se perdent un dans l’autre tellement ils désirent avoir la sellette. La gravure est très adéquate, mais comme le tout a été compressé en numérique auparavant, ça empêche d’avoir un attachement à la musique. La prochaine fois, ça serait vraiment cool que le groupe prenne le temps d’utiliser les services d’un des grands de la gravure vinyle, et non simplement le mettre sur disque avec le premier service de gravure disponible.

Qualité du vinyle : 6/10 — il y a le superbe kit avec Blu-Ray, considérez donc cette version qui est hautement satisfaisante à la place !