En rafale: RSD Black Friday 2017 – Les simples

Beaucoup de disques simples valaient la peine cette année au Record Store Day, mouture Black Friday. Comme d’habitude, il y avait une quantité effarante de matériel prévu pour faire des sous, une bonne quantité d’albums réchauffés de Noël, quelques nouvelles sorties, mais il y avait beaucoup de disques simples qui valaient aussi la peine, en partant des nouveautés aux rééditions justifiées.

Tous les lecteurs de mes chroniques savent à quel point j’apprécie les disques 12″ simples. Qualité, précision, dynamisme, aucune limitation et aucune perte, volume maximal et peu de bruit de fond. J’ai été choyé cette année. Voici mes achats et mes commentaires sur ces derniers.

Chanson face A : My Definition of a Boombastic Jazz Style
Artiste : Dream Warriors

V.O. : 1990 Vinyle 12″ 45RPM simple (US)
4th & Broadway
12 BRW 197

Chanson face B : Wash Your Face In My Sink
Artiste: Dream Warriors

V.O. : 1990 Vinyle 12″ 33RPM simple (Canada)
Island Records
IS 1294

En test : 2017 Vinyle 7″ 45RPM simple

Étiquette : Universal Music
5379535

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Débutons avec une bombe torontoise des années 90. Les deux chansons proposées ici sont les deux premiers simples de Dream Warriors, Wash Your Face In My Sink étant la chanson qui les a fait découvrir, et My Definition of a Boombastic Jazz Style étant la chanson qui a été leur one-hit wonder. Il n’y avait jamais eu de réédition de ce disque depuis les années 90 alors c’est une bonne idée que d’en faire une version-compilation de bonne qualité.

C’est rare que j’achète des 7″ simples, je préfère me concentrer sur les douze pouces personnellement. Toutefois, je vais faire une exception de temps en temps. Et je suis vraiment heureux d’avoir fait cette exception : le disque est superbe, la qualité de l’enregistrement est superbe, tous les détails y sont. Mais on peut aussi bien évidemment entendre tous les défauts de production des chansons. On entend toutes les pistes individuellement et ne semble avoir aucune cohésion : la basse omniprésente ne touche pas à la piste d’échantillonnage, qui ne touche pas à la voix. Ce n’est pas vraiment un défaut vu que la reproduction nous expose même cet air du temps, et c’est drôle à écouter à cause de ça.

Là où on peut déchanter légèrement, c’est le prix. Une vingtaine de dollars pour deux chansons de disques traînant toujours en parfait état dans des boîtes à 1 $, ce n’est peut-être pas le meilleur investissement de son argent.

Album : Feels
Artistes : Calvin Harris, feat. Pharrell Williams, Katy Perry et Big Sean

En Test : 2017 Vinyle 12″ Picture Disc simple

Étiquette : Sony/Columbia
88985481261

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Utilisez votre voix radiophonique afin de dire «le succès de l’été poste-de-radio», sauf en version automnale. C’est le succès de l’heure, joyeux et sympa, qui sera probablement oublié dans quelques années, mais qui est vraiment amusant à écouter ? Ici, vous allez payer pour une seule chanson, qui n’a pas de version étendue ou instrumentale sur la deuxième face : c’est une gravure rigoureusement identique sur les deux côtés du vinyle! Et ce n’est pas une version plus ou moins étendue de la chanson, c’est simplement la version album de la chanson, tel qu’on la retrouve partout ailleurs.

On paye donc une quinzaine de dollars pour une chanson! Et encore une fois, ceux qui me suivent savent à quel point je déteste les picture disc, même s’il y a de nouveaux procédés de gravure permettant d’obtenir une meilleure qualité, c’est toujours un sérieux coup de dés. Dans mon cas (je ne m’avancerai pas pour les autres), j’ai été hautement surpris de la qualité de la gravure et la qualité de reproduction! Peu de bruit de fond, une gravure exemplaire réalisée spécialement pour le vinyle par un des grands ingénieurs de gravure, avec des instruments réels joués par Calvin Harris. Pour ce style musical, c’est une très grosse surprise, mais c’est la bombe, sur un superbe disque, avec une très belle pochette… pour une seule chanson!

Album : Disco Devil
Artiste : Lee Perry and the Full Experiences

V.O. : 1977 Vinyle simple 12″
Upsetter

En Test : 2017 Vinyle simple 12″ rouge

Étiquette : Get On Down
GET57005-12

Réédition totalement justifiée, Disco Devil est un disque impossible à acheter en version originale. Même la réédition des années 2000 est rendue très dispendieuse et a probablement été jouée par un DJ à outrance. Disco Devil, c’est la chanson Chase The Devil de Max Romeo, coécrite par Lee Scratch Perry, mais en version dub jamaïcaine telle qu’on les aime : boîte à écho et réverbération omniprésente, de la basse et un groove à faire fondre toute la neige de la planète, mais surtout une des meilleures chansons du style, un essentiel pour les amateurs de dub.

Et côté qualité, c’est vraiment excellent! Il faut dire qu’on a affaire à Get On Down, une étiquette de réédition de disques vinyles spécialisée dans des disques absurdes. Leurs disques? Christmas in Hollis de Run DMC, des Wu-Tang Clan, des Mantronix, des Cypress Hill. Et je n’ai rien à redire sur ce disque légendaire.

Album : We Are The Champions / We Will Rock You
Artiste : Queen

V.O. : 1977 Vinyle 7″ simple (R.-U.)
EMI
EMI 2708

En Test : 2017 Vinyle simple 12″

Étiquette : Hollywood Records
D002697911

Une autre rareté. Ce simple 7″ n’avait jamais fait l’objet d’une version 12 pouces. En fait, si, selon Discogs, mais en disque pirate. Alors il commençait à être temps! Récipiendaire de la pire pochette de disque, encore pire que la version originale et il faut le faire, ça reste un incontournable. Les plus observateurs remarqueront que mon disque est sur We Will Rock You (la face B). Je vais remercier EMI de n’avoir pas voulu faire une révision historique, la chanson We Are The Champions étant considérée comme la chanson à promouvoir en 1977. Aujourd’hui, les deux chansons sont indissociables et ils auraient très bien pu décider de mettre les deux unes à la suite de l’autre, surtout que l’album dure un gros cinq minutes, laissant amplement d’espace sur le disque afin de ne pas couper dans la qualité.

Côté gravure, je dois avouer que je suis déçu. Le disque m’est arrivé légèrement gondolé, le disque possède un popcorn très léger. Mais surtout, avec tout l’espace dynamique de gravure possible, ils ont quand même décidé de baisser le volume du rythme à l’arrivée du solo dans We Will Rock You. Sans blague. Au moins, We Are The Champions n’a pas un tel problème, la chanson coule de souche. Bref : c’est pour collectionneurs, c’est embêtant à écouter deux minutes, de changer la face et d’écouter trois autres minutes, et la pochette est laide. Mais ça reste la meilleure version des chansons pour la qualité en vinyle. Pas parfaite, pas ultime, mais très bonne.

Album : The Blackout
Artiste : U2

En Test : 2017 Vinyle simple 12″ (200g?)

Étiquette : Third Man Records, Island Records
TMR-522

Nouveauté de la part de U2, dans le style discothèque du groupe. Comme pub de leur futur album Songs of Experience, ils ont décidé de faire une version en simple de la chanson et la proposer au RSD. Bonne idée! Encore meilleure idée, de faire une collaboration entre Island et Third Man Records, et de produire une version absolument exceptionnelle du disque! Je n’ai pas vu d’indication, mais le disque est au bas mot 180g, j’opte plus pour un 200g personnellement. Le disque est plat comme une crêpe, il est enregistré avec passion et joie, et la qualité est exceptionnelle. Je ne tournerai pas autour du pot en deux paragraphes ici, rien n’est inadéquat… sauf peut-être la version dance de la deuxième face qui fait réellement penser à des remix génériques des années 90. Mais ça, c’est une question de goûts et je ne m’en formaliserai pas.

Album : Chase Me
Artistes : Danger Mouse, feat. Run The Jewels et Big Boi

En test : 2017 Vinyle simple 12″ 33RPM

Étiquette : Sony/Columbia
88985477531

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Pour terminer cet article en rafale, une autre nouveauté, cette fois-ci du breakbeat hip-hop funky, gracieuseté de Danger Mouse à la musique et Run The Jewels aux paroles. Sur cette all-star, on a droit à une chanson amusante à écouter avec de la basse à profusion, un production de qualité et avoir le goût d’écouter le film d’où cette chanson provient.

Pourquoi 33 tours quand on a droit à 8 minutes par face, c’est un questionnement… mais à part un disque légèrement gondolé et un 33 tours, tout est parfait sur ce disque. L’écoute est amusante et sensée, les quatre versions proposées sont parfaites pour les turntablists et scratchers, mais bien entendu aussi pour l’écoute dans le salon.

Réédition RSD2017 / 1977: Neil Young – Decade

Deuxième légende vivante cette semaine! La première compilation de Neil Young est enfin de retour sur le marché 40 ans après sa sortie!

Album : Decade
Artiste : Neil Young

V.O. : 1976/1977 Vinyles triples en encart
Reprise Records 3RS 2257

En Test : 2017 Vinyles triples en encart (RSD)

Étiquette : Reprise Records
558030-1

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En mention spéciale, Reprise Records est supposé sortir de nouveau le disque ce mois-ci sur CD et vinyle, ils nous ont fait une surprise avec une sortie devancée limitée pour le RSD, mais nul besoin de rechercher cette version, attendez simplement la prochaine!

Decade, c’est une compilation célébrant les dix premières années de carrière de Neil Young. Malgré sa quantité de succès, il n’avait jamais fait de compilation auparavant alors les admirateurs ont étés heureux de retrouver finalement tous ses succès sur un seul disque triple. Grosso modo, la première face est surtout consacrée à Buffalo Springfield, son premier groupe. La première face du deuxième disque est surtout pour Neil Young & Crazy Horse et on a aussi droit à deux succès de Crosby, Stills, Nash & Young. Tout le reste est surtout Neil Young dans sa carrière solo, parfois en direct, surtout en studio.

Si vous aimez le folk et que vous ne connaissez pas Neil Young, c’est un guitariste hors pair, c’est un compositeur d’exception, il a touché autant le folk, l’américana, le country, le rock, les styles plus violents, le r&b. On reconnait les influences autochtones (écoutez la superbe compilation Native North America de Light In The Attic [achetez le coffret vinyle chez Fréquences] pour vous en convaincre) et le côté country pur, qui est reflété sur la vie moderne. Depuis bien des années, Young habite sur un ranch en Californie avec sa femme et se bat pour les droits des fermiers.

Et comme réédition? Ce n’est pas trop tôt! Il y a peu ou prou de nouvelles éditions. Elle est brouillonne comme la première version, inégale en qualité entre les différentes chansons. Mais elle reflète très précisément la version d’origine, avec des chansons inédites, ses grands succès, la sonorité parfois 70s, parfois mal enregistrée, parfois bien enregistrée. C’est de très bonne guerre et il n’y a aucune réinvention ici : la version telle que présentée est identique à la version des années 70, seulement avec une réduction de bruit de fond. La basse est toujours omniprésente lorsqu’elle est supposée l’être, aucun rematriçage n’a été effectué. C’est la bonne vieille version, juste avec beaucoup moins de bruit de fond accumulé par les années sur les tablettes.

Neil Young est surtout connu pour sa passion de la très haute fidélité. Je dirais qu’il aurait pu faire légèrement mieux dans cette version et régler quelques problèmes du disque, mais je respecte totalement son choix d’avoir conservé le disque à peu de choses identique. Qui sait, peut-être que la future version qui va sortir bientôt va avoir droit à un remastering plus prononcé et que le but de la version RSD était de sortir une version aussi près de l’original possible. Si c’est le cas, chapeau, mais j’ai des doutes qu’on va avoir exactement la même chose.

1977: Musiques de l’O.N.F. Volume 1

L’Office National du Film n’est pas qu’un espace d’exploration pour les cinéastes. C’est aussi un espace d’exploration pour les compositeurs.

Album: Musiques de l’O.N.F. Volume 1: Musique sans image

Artistes variés

En test: Vinyle double 1977

Étiquette: Office National du Film du Canada

Ce disque a été acheté chez Fréquences il y a déjà deux bonnes années. Vous pouvez probablement en trouver une copie en-ligne.

L’ONF est une mine d’or d’exploration. Et je parle ici bien entendu des musiciens et des compositeurs. On peut penser à René Lussier par exemple qui est collaborateur pour les trames sonores de films depuis près de 40 ans.

Mais on peut aussi écrire livres et livres sur les techniques exploratoires musicales de l’ONF. Entre autres, le film permettant de recevoir de l’image mais aussi du son à travers différentes techniques d’impression de l’onde musicale, il n’en fallait pas plus pour que Norman McLaren travaille sur un procédé créatif de son gratté et de son photographié. Cet album est un hommage aux grands musiciens de la période de 1952 à 1971 qui ont marqué les films de l’ONF.

C’est expérimental! Et malgré que bien des chansons peuvent sonner électronique, elles sont surtout visuelles et peinturées. D’autres sont travaillées au ruban magnétique. Certaines sont des collages de sons ambiants. Et finalement, il y a la dernière chanson, Metadata, produite avec l’aide du Conseil National de Recherche du Canada, qui est la première expérimentation d’un ordinateur produisant des sonorités, le tout ensuite mixé en studio avec une trame sonore instrumentale. ceux qui me connaissent savent à quel point je suis un capoté des premiers balbutiements de synthèse informatique. J’ai été un des crackpots qui a demandé à Nadia Magnenat-Thalmann et Daniel Thalmann une copie VHS de leur film Vol de Rêve, question d’avoir la meilleure qualité possible de ce film incroyable. Alors pour moi, d’avoir une copie de Metadata en vinyle, c’est le pied… Mais c’est expérimental!

Et côté sonorité, c’est une compilation de pièces composées dans les années 52 à 71… prévues pour jouer sur film, parfois carrément composées sur film… et pièces qui sont voulues à pousser l’enveloppe, de musique contemporaine et (je ne crois pas vous l’avoir dit, vous m’en excuserez) expérimentale. Bref: le disque a un peu de bruit de fond il n’est pas totalement propre, il a une sonorité habituellement très sourde. Même les bandes ou films maîtres sont rendus à plusieurs générations, retravaillés avec les moyens du bord. Mais c’est de l’anthologie, c’est des techniques d’essais incroyables et c’est le pied à écouter, pour le peu que vous aimez la musique concrète.

On achète si on aime Pierre Henry, Iannis Xenakis, Edgard Varèse, Karlheinz Stockhausen.