2017: Kendrick Lamar – Damn

Lamar, version hard

Album : DAMN.
Artiste : Kendrick Lamar

En test : 2017 Vinyle double

Étiquette : Top Dog Entertainment
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C’est mon deuxième article sur Lamar en quelques mois. Ce n’est pas pour rien. L’artiste, hyperproductif, se confond en productions, coproductions, disques complets et complexes. Il faut seulement penser à To Pimp a Butterfly, qui est un des disques qui a révolutionné le monde du hip-hop, redonnant ses lettres de noblesse modernes au mélange de jazz et hip-hop. L’année d’après, Untitled Unmastered, un de mes disques favoris, sans aucun style, aucune idée préconçue, juste des pièces musicales fantastiques. Et cette année, Damn, avec des collaborations avec Rihanna et U2 (!).

Il y a une partie de moi qui n’aime pas ce disque. La progression de Lamar l’a fait passer du hip-hop traditionnel à du jazzy hip-hop, à du jazz, et finalement ce dernier disque, qui est plus dans un style conscious, où Lamar tente de nous exposer des problématiques, avec un style presque gangsta. J’ai de la difficulté avec ce changement de style, dans lequel j’aime mieux des groupes tel que Run the Jewels. J’ai l’impression qu’à force de presser le citron de sa notoriété du moment, Lamar s’étiole un peu et ne laisse pas la chance à ses albums de vivre leur vie. Mais ça reste un disque encensé par la critique et le public. Ce n’est juste pas le style que je trouve que Lamar excelle. Premières deux chansons incroyables… ensuite, je suis moins certain.

Mais côté qualité, le disque double? Enfin, un disque de hip-hop qui ne dure pas trois heures avec cinq heures d’extras! Au moins, il a appris à se limiter. Faces de 15 minutes, numériques bien entendu… mais c’est incroyable, très peu de compression apparente! La basse est pleine, complète, les chansons sont dans leur propre univers, les paroles sont ciblées et centrées, les instruments sont numériques, mais superbes. En fait, le disque vinyle est si bon que je n’ai pas à me forcer et je suis capable de voir l’état de la console Protools à chaque instant! Chaque piste est claire, définie, tout est à sa place! Juste donner un exemple simple de compression, je n’en ai entendu qu’une seule fois clairement, et c’est lors de la fin de la pièce Humble, où la voix de Lamar augmente très légèrement lorsque la basse arrête. C’est si subtil!

Vous allez me dire que c’est numérique et compressé à outrance. Oui! Chaque piste est maximisée, il n’y a pas une respiration globale de chaque piste. Mais ça, c’est de bonne guerre, c’est l’équivalent de mettre un compresseur sur une piste de guitare ou un ensemble de batteries, il faut presque le faire, sinon ça sonne ténu. Il y a aussi la sonorité que l’artiste désire obtenir dans tout ça. Ces diverses compressions ne me dérangent pas trop, tant que l’ensemble respire et est conséquent. Ce disque est fantastique à ce sujet! À acheter.

On achète si on aime Badbadnotgood, Killer Mike, Notorious B.I.G.

2015: Kendrick Lamar – To Pimp A Butterfly

Un album qui peut se targuer d’avoir changé la scène du hip hop en 2015. Il y a un avant et un après To Pimp…

Album: To Pimp A Butterfly
Artiste: Kendrick Lamar

En Test: 2015 Vinyle double 180g (US, République tchèque)

Étiquette: Top Dawg Entertainment, Aftermath Entertainment, Interscope Records
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Qu’est-ce qui représente la scène black aux États-Unis? Je vais bien entendu y aller avec des gros préjugés mais ils sont basés sur une réalité troublante. Les familles pauvres, la surreprésentation dans les prisons, les ghettos, le manque de possibilités, de ne pas avoir les mêmes opportunités qu’un blanc. Ça va aussi avec les gens qui sont du mauvais bord de la loi et qui vont faire trop d’argent. Ce n’est pas surprenant que d’entendre des chansons sur le sexe, la drogue, les tueries, les gold diggers, les maisons closes, etc.

Et dans les styles musicaux? Il y a bien entendu le rap, le hip hop, mais il y a aussi le jazz. Beaucoup vont prendre le jazz, surtout le free jazz, comme une musique d’esthètes, à écouter en sirotant un scotch hors de prix et de tripper sur … tripper sur quoi en fait? Bah, c’est bon, quel artiste, quel grand. Wow! C’est comme pour l’art contemporain, des tableaux obscurs qui prennent un post-doctorat en art afin de comprendre toute la subtilité. J’ai payé ce tableau 20K, tu imagines? Wow!

Justement … non!!! L’art contemporain, comme on va retrouver au MAC de Montréal, par exemple, est de l’art fait pour être compris et découvert par des gens qui habitent dans le sous-sol de leurs parents, c’est de l’art fait pour être apprécié au secondaire, au cégep, c’est de l’art fait pour être compris par la personne qui attends son chèque du B.S.! Ce n’est pas de l’art fait pour être vu de loin, au contraire, c’est de l’art qui représente une réalité, qui exacerbe une vérité de vie. C’est la même chose pour le jazz: musique noire des États-Unis, musique du ghetto, musique qui est aussi importante que le rappeur du quartier, voire plus. Lorsque certains disent “oui mais ce n’est qu’une borne fontaine”, il n’y a aucun génie apparent mais le génie est de représenter une vitrine sur la vie de tous les jours des gens normaux. Même chose pour les styles musicaux, dont le jazz.

Écoutez les films de Spike Lee, vous allez avoir ces thèmes, vous allez avoir en trame sonore constante le hip hop, les DJ, mais énormément de jazz, surtout de free jazz. C’est de la musique qui décrit une émotion, qui est fait pour être ressentie, pas uniquement écoutée. C’est aussi viscéral que le rythme tribal.

Et c’est ici tout le génie de Kendrick Lamar. Cet album a touché une corde sensible. Non content de ne faire que rabâcher le gangsta rap repenti ou non. Non content de seulement parler des femmes d’une façon condescendante. Non content de parler de la dernière personne à s’être fait tirer. Des textes qui reflètent la vie aux États-Unis quand on est black dans les années 2010. Et de la musique hip hop de superbe qualité, des musiciens de jazz et de free jazz, de swing, des relents de tribal, de la musique blues, de la musique funk, disco par extension. Un vrai film de Lee, justement.

Si je parle de ce disque autant, c’est que c’est la bombe. Mais aussi il est très long. Plus de 70 minutes. Lamar est trop prolifique probablement, hyperactif un peu. Je le vois un peu comme moi, qui prends trop de temps à écrire des critiques et des articles quand j’ai déjà des dizaines d’autres projets qui occupent mon temps, qui va en produire beaucoup à la place de produire une très grande qualité. On se perd d’ailleurs dans ses autres disques. Je suis fou de son autre disque Untitled Unmastered mais je suis plus froid sur son dernier, ou plutôt, je le trouve inégal. N’empêche que malgré sa longueur, To Pimp est bon de A à Z. Certains y voient un disque aussi important que Nevermind de Nirvana, j’ai tendance à leur donner raison. Il y a un avant et un après ce disque. La musique hip hop ne sera plus jamais pareille.

Et est-ce que ma table tournante, elle, va être heureuse? Il existe trois versions du disque. Une de la République Tchèque pour le marché des États-Unis, une des États-Unis et une d’Europe. J’ai eu vent que les trois versions sont très différents et que la version Euro serait la meilleure des trois. Je n’en sais rien. Ce que je sais, toutefois, c’est que cette version que je possède (Tchèque) est fort appréciable. Il y a parfois de petits manquements au son, parfois les aigus s’emballent un peu. Aussi, je le trouve très réservé, la basse est à sa place, les instruments sont à leurs place. Il ne semble pas y avoir de surprise. En fait, je dirais que la différence est que la version numérique ne semble pas avoir de suite logique, toutefois la version vinyle possède cette chaleur et ce point rassembleur qui en fait un album se suivant du début à la fin. C’est tellement prévu pour du vinyle qu’il y a même à quelques reprises des bruits de vinyles (dont le début du disque – ne vous inquiétez pas s’il semble y avoir du popcorn, même le CD en possède!). Votre table tournante va être très heureuse.