Concept cinq minutes: De la Coloration et des Hommes

J’entre de plain-pied dans l’univers audiophile afin de vous convaincre que le disque vinyle est résolument supérieur (et de beaucoup) au CD; pourquoi c’est une superbe nouvelle que les cassettes audio font leur retour; pourquoi ça vaut la peine de se payer des fils audio à 600 $.

Mesdames et messieurs et ceux entre les deux, je vous présente votre oreille. La meilleure façon que je peux vous parler de votre oreille, c’est de faire comme si cette dernière est en deux parties. Il y a d’abord le micro et ensuite il y a le rack à effets.

Votre microphone, c’est votre tympan. À votre naissance, il débute sa vie habituellement en parfait état, lisant toutes les fréquences parfaitement, d’une 20aine de Hertz à 20KHz. Comme n’importe quel microphone, il est optimisé pour quelques tâches. Habituellement, on pourrait dire communiquer avec les autres. Allons-y Néandertal : chasser, ne pas être chassé, bref pouvoir lire son environnement immédiat. Il a quelques fonctionnalités sympas, dont celle de fonctionner adéquatement dans l’eau.

Vos effets, c’est la gestion du signal qui est fait au préalable dans votre cerveau. On a tout d’abord un système de compresseur-limiteur intégré qui fait qu’on sursaute quand il y a beaucoup de son d’un seul coup, qui nous permet d’écouter des chuchotements à l’oreille (chéri, approche-toi) tout comme des bruits très forts (JE T’AIME!). On a aussi un système d’égalisation multibande qui fait qu’on s’habitue aux fréquences basses, médianes, hautes et va les adapter selon ce que notre oreille va nous donner. Alors même si on devient dur de la feuille à mesure que les années passent, le compresseur va faire son travail et on ne s’en rendra pas (trop) compte. Même si on perd l’usage de certaines fréquences après que votre bébé vous ait pleuré dans l’oreille droite durant une heure, on va s’en rendre compte dès les premiers instants, mais on va s’adapter.

Tout ça pour dire que nos oreilles ne réagissent pas de la même façon pour une personne ou une autre. Ma fiancée a un problème d’audition, porte un appareil auditif, et la meilleure façon que je pourrais décrire son problème est que son égalisateur de fréquences est constamment dans le tapis. Alors dès que des sons trop aigus arrivent, elle a mal aux oreilles bien avant moi qui suis pourtant considéré comme ayant une bonne audition. Pourtant, ça devrait être le contraire, la personne sourde qui n’a pas mal aux oreilles et la personne ayant des oreilles normales qui se fait agresser.

C’est un peu la même chose avec absolument toutes les composantes de votre système de son. Chaque composante va y apporter son lot de filtres, de modifications, de tessitures sonores, de bruits, d’incapacités, de forces. Et la composante la plus pure n’est pas nécessairement la meilleure. Nous vivons dans une belle période de la haute fidélité où nous avons atteint une perfection relative, à un point tel où nous devons décider, afin d’avoir une meilleure sonorité, de réduire dans la qualité. Aujourd’hui, nous arrivons de façon empirique et avec des appareils spécialisés à capter des fréquences de quelques centièmes de hertz, à pouvoir capter près du mégahertz. Pour toutes ces fréquences, nous avons plus d’une centaine de milliers de niveaux de volumes. Nous en sommes au point où nous pouvons déceler les changements de pression acoustique dans une pièce, où un avion qui déchire l’espace (désolé du ver d’oreille) va se faire entendre dans le bruit de fond d’une captation en salle acoustiquement neutre malgré la présence d’un orchestre symphonique entier.

Même chose avec l’enregistrement. On est rendus, avec le format DXD, à des fréquences inouïes qui dépassent largement le seuil de l’écoute des humains. La résolution numérique est à un point de qualité tel qu’il est impossible de déceler sa plus petite composante. Les amplificateurs peuvent dorénavant cracher amplement de signaux pour nous rendre sourds tout en gardant assez de qualité pour faire jouer en toute subtilité quelque chose d’inaudible. Les haut-parleurs scientifiques sont rendus tout aussi incroyables. Le nirvana!

Et pourtant…

Cette captation parfaite est déstabilisante, troublante. Elle réduit la qualité inhérente d’un enregistrement. Les extrêmes graves sont coupés des enregistrements à cause de l’énorme place qu’ils occupent, leur difficulté d’être reproduits adéquatement, le tout pour une fréquence qu’on peut difficilement ressentir. Même chose pour les ultras hautes fréquences, où on débute à empiéter sur les ondes radio, où le microphone spécialisé capte les détecteurs de mouvements des systèmes d’alarme (avec un volume ridiculement fort d’ailleurs). Toutes ces fréquences se font capter au détriment de l’audio, à moins de savoir ce que l’on fait.

Des études en psychoacoustique ont démontré que les gens n’étaient pas capables de déceler la différence entre une source à haute résolution et un équivalent CD (Meyer, Moran, AES 2007; Archimago’s Musings). Elles ont démontré qu’à l’aveugle, une personne normalement n’était pas capable de déceler si une pièce musicale était en MP3 de haute résolution versus une copie parfaite du CD (étude McGill), mais qu’on peut s’entraîner à discerner ces différences. Encore plus drôle : il est plus facile de discerner les fréquences et les mouvements subtils lorsqu’il y a du bruit de fond! Et si vous désirez en savoir plus, cet article en anglais est excellent et décrit bien pourquoi trop de résolution peut être mauvaise (Neil Young – non pas le musicien! Le chercheur!).

Ouais bon OK hey là le scientifique de pacotille. Et toi, tu en penses quoi? Je suis relativement d’accord avec l’article de Young. Je considère qu’il y a beaucoup, mais beaucoup, mais vraiment beaucoup de choses à se préoccuper avant de considérer de la super haute résolution de fou sans perte ni coups sûrs. Un gros caca fumant version haute définition va quand même rester un gros caca fumant. Un producteur qui va te massacrer côté guerre du volume (voir mon premier article en janvier) et un musicien chanteur adepte de l’autotune qui prend des exemples sur Internet sans jamais comprendre ses logiciels enfichables audio, eh bien on risque de réduire d’une façon assez ridicule le besoin de quoi que ce soit de plus qu’un MP3 128Kbps.

Là où je suis moins d’accord, c’est lorsqu’il dit que la haute résolution est effectuée au détriment de la qualité sonore. Si c’est fait de façon bâclée, soit. Même moi je l’ai écrit plus haut! Mais si c’est produit d’une façon exemplaire avec des appareils exemplaires et une technique exemplaire, comme il se doit, je crois sincèrement que ça ne peut pas nuire. On ne pourra peut-être pas entendre mieux, mais on ne pourra jamais entendre pire. Et en cas de doute, en mettre plus! Tout comme on a réussi à bien faire sonner des CD avec une superbe résolution impeccable, on peut certainement passer outre les problématiques inhérentes à l’ultra haute résolution.

Je suis parmi les malchanceux qui ont entraîné leurs oreilles à entendre la compression. Et même moi, je vais être le premier à consommer des flux réseau de piètre qualité. Oui j’ai déjà fait l’encodage de AAC à 96 kilobits et ne pouvait que très difficilement voir la différence avec l’original parce que la source s’y prêtait.

Et tout ça pour vous dire que dans le fond, ce qui importe, ce sont vos oreilles! Retour au début de l’article. La sonorité qui importe, ce n’est pas l’hyper haute résolution folle avec des micros spéciaux ultras neutres dans un environnement ultra neutre. Toute cette neutralité n’est qu’une excuse de toute façon. La vérité en audio n’existe pas, je vous l’ai dit la semaine passée. Ce que tout bon musicien, tout bon producteur, tout bon audiophile recherche, c’est de plaire à ses oreilles. Et une fois qu’on a compris ça, soudainement, notre monde s’ouvre!

À l’intérieur du monde en dessin animé de Roger Rabbit : Les plus grands guitaristes aiment fréquemment les amplificateurs à lampe! Cet objet amélioré lors de la Seconde Guerre mondiale, la lampe, qui sert à amplifier l’électricité dans les vieux ascenseurs, qui servent encore à amplifier à peu près toutes les radios FM. Oui, la lampe qui éclaire encore parfois nos chaumières (en plus évolué quand même!). Mais pourquoi quand on possède un transistor qui réalise mieux avec moins de courant, moins de bruit de fond, plus de précision? Parce que la lampe offre une courbe de reproduction accentuant les sons faibles et compressant les sonorités fortes d’une façon naturelle. La courbe d’amplification en S donne une qualité au son qui sied bien notre oreille. En outre, on y retrouve une certaine chaleur, un bruit de fond et une imprécision très agréable à l’oreille. Très très agréable à l’oreille! Et oui, analytique en même temps; ces fréquences légèrement adaptées nous aide à mieux entendre notre musique de façon organique.

Les mélomanes aiment les vinyles, les bobines et les cassettes! Encore une fois, le vinyle possède une qualité organique indéniable. Même chose pour les bobines et les cassettes qui produisent des sonorités qu’on adore, le côté immédiat, mais feutré, la compression des sonorités fortes, l’aspect nuancé, la proximité du musicien, le léger bruit de fond nous permettant de mieux apprécier les sonorités légères, le côté feu de foyer réconfortant, mais aussi le côté hyper flamboyant et dans notre face. Des extrêmes, des antonymes qui se retrouvent tous dans un produit. Encore une fois : de la coloration! Je peux reconnaître parmi mille les sources provenant d’un ruban magnétique. Je peux reconnaître un vinyle jouant un CD ou une source numérique malgré le fait que cette dernière soit amplement meilleure que le vinyle. Coloration! On peut reconnaître parmi tous les micros quand quelqu’un utilise un Neumann U87 comme micro dans un enregistrement; les guitaristes sont des fanatiques absolus des SM57, micro bas de gamme s’il en est un, mais qui est utilisé dans tous les spectacles, dans tous les enregistrements. Co… lo… ra… tion!

Coloration même à travers votre ampli à transistors, vos écouteurs à 5$, votre lecteur CD, vos courbes de réponses en fréquences de votre décodeur DAC. Mais le moins de coloration possible pour vos moniteurs studio, le moins possible pour votre DAC de musicien, le moins possible pour votre ampli de studio. Ce n’est pas du tout le même but en studio que dans votre salon et le matériel d’un va rarement faire le saut à l’autre.

À l’intérieur de votre monde à vous! Votre système de son! Ce sont vos oreilles. C’est votre style de musique. C’est sur le format que vous préférez (Vinyle, CD, Streaming, MP3, la TV, Youtube, cassette, bobines). Rendu là, le gros questionnement est de savoir comment rendre votre musique avec la coloration que vous recherchez dans vos oreilles à vous. Chaque composante interagit avec d’autres, chaque composante a des forces et des faiblesses et c’est votre travail à vous que d’en trouver les implications. Un ampli à 50 000 dollars peut très bien avoir sa place avec un ensemble de haut parleurs rétro Minimus 7 de Radio Shack. Des haut-parleurs à 12 000 dollars peuvent très bien profiter de fils achetés chez Monoprice. Un système de haut-parleurs pour ordinateur Logitech peut parfaitement se transformer en monstre avec des fils à 600 dollars. Ou peut-être que votre ampli Bryston est ce que vous cherchez et rien ne pourra l’améliorer. Vous seuls détenez la vérité de vos oreilles avec votre style musical! Ne laisser personne vous influencer! Commencez par écouter votre musique objectivement. Posez-vous la question si ce que vous entendez vous plaît. Posez-vous la question selon vous, qu’est-ce qui pourrait améliorer votre qualité de musique. Est-ce que votre source est déficiente? Manque-t-il de basse, y a-t-il trop de présence? Est-ce que l’imagerie stéréo est adéquate? Allez écouter des systèmes de son de fou et faites la comparaison. Déterminez ce que vous aimeriez changer et surtout pourquoiEmpruntez des pièces d’équipement et tentez d’améliorer votre propre chaîne stéréo! Modifiez les positionnements, améliorez votre pièce d’écoute. Attention aux biais positifs, non peut-être que votre nouvelle cartouche de table tournante à un million de dollars n’est pas mieux (pour vous) que votre vieille Shure. Lisez sur le sujet, c’est passionnant! Bref: apprenez à vous connaître ainsi que de connaître votre chaîne et votre musique. C’est un investissement à long terme!

Chez moi, j’ai changé mes fils de connexion de table tournante parce que je les considéraient déficients. Je savais qu’il y avait une faille majeure là. Et le changement a été fort bénéfique. Étais-ce bien avant? Oui. Est-ce mieux aujourd’hui? Selon mon écoute et mon analyse, oui. Je retrouve moins de la basse pompante qui nuisait à mon écoute et j’ai une neutralité accrue sur les mid-hautes. Merci Câbles Luna pour l’excellente mise à jour! La coloration que leurs fils apportent versus celle de mes anciens cables est compatible avec ce que je recherche comme sonorité. Et à l’opposé, il faut aussi avoir la décence de se poser la question si réellement on voit une différence ou si c’est simplement qu’on veut tellement en voir une qu’elle finit par se matérialiser. Il faut aussi avoir la décence de se laisser du temps avec le nouveau produit et enfin revenir à l’ancien, par curiosité, et de redécouvrir avec le même biais positif ce qu’on avait auparavant. Peut-être que ces mêmes fils miraculeux pour moi n’apporteront rien à votre système … ou même être carrément mésadaptés!