Les producteurs vous font jouer de la musique en MAJUSCULES sur votre CD!
Le dernier concept cinq minutes faisait un survol de ce qui pouvait causer la perte (ou le gain) de qualité pour un vinyle, en assumant un CD de qualité stable. Toutefois, une des pires tares pour le mélomane averti est la guerre du volume (Loudness War) sur leur CD. Depuis la sortie du format CD, ces derniers jouent de plus en plus fort! Prenez un CD des années 80 et vous aurez à augmenter le volume presque au maximum de ce que votre ampli vous permettra. Mettez un CD moderne et votre ampli à 3 sur 10 sera amplement suffisant.
Juste à voir l’exemple de Wikipedia (et ça arrête en 2000 – il y a eu pire!) sur les différentes rééditions de Something des The Beatles (pour lire: la chanson débute à gauche et termine à droite, plus les lignes verticales sont grandes, plus c’est fort):
Pourquoi? Voici une analogie en photos. J’ai pris une de mes photos, un superbe pavot bleu, fleuron du Jardin de Métis, et l’ai adapté selon les différents matriçages à travers les années. Voici tout d’abord l’original, tel qu’enregistré sur les rubans originaux (vous comprendrez que c’est une analogie. Dans mon cas, il s’agit de la photo en Raw, exportée sans aucun filtre d’augmentation, en mode Flat).
Bande maîtresse d’enregistrement
Vous remarquerez sur son histogramme (pour lire: à gauche c’est noir, à droite c’est blanc/rouge/vert/bleu saturé. Plus c’est élevé, plus on retrouve de cette force de couleur) que la majeure partie des fréquences sont visibles. Il y a un peu de coupure dans le noir, mais qu’on retrouve toutes les couleurs. Ce n’est pas très beau, c’est pour ça qu’il y a une étape de matriçage après le montage initial.
Matriçage style années 1980
Ah, c’est beaucoup mieux. Ici, on a un matriçage de style 1980. Le but est de maximiser le volume sans dépasser ce que le CD permet de nous offrir. Les couleurs sont plus vives sans dénaturer le produit. On y retrouve la subtilité et la finesse de ce qui a été enregistré et une belle balance générale. Quelques couleurs ressortent parfois et en portant attention et étudiant l’image, on peu y voir tous les détails, ainsi que les imperfections de l’image d’origine.
Matriçage style annes 1990
Encore mieux! On y découvre plein de détails. C’est non seulement plus lumineux (un peu écrêté) dans le blanc, mais aussi plus contrasté. Les détails ressortent plus, même si on sort un peu du côté naturel. Un contourage exacerbé permet d’y déceler toutes les subtilités au premier abord, sans avoir à se casser trop la tête.
Matriçage style années 2000
Ouch… adieu toute la subtilité. Ici, tous les détails sont en avant-plan. C’est fort, c’est direct, c’est dans le visage à coup de pelle de tracteur industriel. Ce que l’artiste désirait qu’on remarque est visible, à gros traits. Ce que nous ne devons pas remarquer est loin en arrière. L’histogramme nous montre les images totalement saturées, le maximum et minimum étant en pleine puissance, et le reste, ce n’est pas grave.
Matriçage style années 2010
Ouf, j’ai eu peur! On aurait pu croire que 2010 aurait été horrible. En fait, pour certains disques, ce l’est… mais ce n’est plus la norme. Il est à remarquer que le volume est presque aussi fort, les couleurs sont tout aussi exacerbées, les détails sont encore dans notre face, mais les moyens technologiques et le dosage ont permis de réduire considérablement l’hécatombe. Ça a l’air naturel, ça sonne naturel, mais aucune subtilité.
Oui mais POURQUOI?! La guerre, c’est pas une raison pour se faire mal!
Plusieurs raisons. La première des raisons est que ça vend. Eh oui! Ils ne le feraient pas si ça ne vendait pas. Moi, mélomane, je ne suis pas représentatif du public qui achète un million de copies. Ma «race» est peu nombreuse et ne représente qu’une faible quantité dans les ventes finales. On n’a qu’à penser à la prolifération des égalisateurs, les boutons loudness de nos amplis. Ou même l’argument de vente numéro un afin de nous faire passer de notre vieille collection de vinyles dépassés aux CD: ça joue plus fort! Oui! Même en 1980, ils ont décidé de calibrer les sorties des platines CD sur un format beaucoup plus chaud que tous les autres appareils de la chaîne.
Une autre raison est que dans des oreillettes, dehors, dans les métros, en conduisant dans l’auto, bref pour la majeure partie des utilisateurs, on doit avoir un volume constant et fort. Voici la preuve. Les mêmes images que précédemment, mais en miniatures.
Soudainement, les deux dernières images sautent aux yeux, quand on a peine à discerner les trois premières. C’est la même raison d’être que le traitement à compresseur multibandes en radio: on veut que tout soit fort et égal, au maximum.
Même chose pour la compression des «MP3» et la compression des services de streaming. Plus la chanson réduit les détails dès la source, le mieux la chanson va sonner parce que le filtre de compression sait exactement ce qui est important. Donc les zones de gris auditif endommagent la qualité de rendu final. Toujours en restant dans l’analogie image, si je prends un vidéo avec des couleurs très feutrées et prend une compression extrême, je ne verrai plus rien. J’écoutais Much Retro et le vidéo Freedom ’90 est passé et à ce moment du clip [attention aux épileptiques], c’est bien simple, je n’étais capable de comprendre aucune image sur ma TV tellement la compression était horrible (Voir la qualité 144p pour voir ce que je veux dire sur Youtube). Ceci ne serait jamais arrivé avec des images sursaturées et maximisées. Eh bien c’est la même chose pour l’audio.
Hey, je suis tellement content que les vinyles soient exempts de ça!
Minute, moumoute! Le principe même de la guerre du volume a été démarrée sur vinyle. Dans le temps, avec les jukebox, si une des chansons jouait plus fort, même principe, les gens sautaient sur la piste de danse et ils se rappelaient de la chanson, quand les chansons jouant moins fort passaient dans l’oubli. Il y avait donc une guerre du 45 tours qui allait être enregistré le plus chaudement possible.
Et on doit penser à Phil Spector qui a inventé le Wall Of Sound, avec une salle de réverbération, juste pour que ça sonne plus fort encore et cacher tous les défauts d’enregistrement.
Finalement, des producteurs ressortent l’idée aujourd’hui, et désirent que les vinyles sonnent plus fort que la compétition. Il n’y a aucune raison, mais que voulez-vous. On ne s’en sortira pas!
Poursuivre la recherche, avec extraits et exemples…
Article wikipedia sur la guerre du volume
Banque de données des disques et de leur dynamisme
Discussion de Bob Katz sur la guerre du volume (Youtube avec exemples)
Vidéo sur le Wall of Sound avec Phil Spector
The Distortion of Sound (documentaire sur la perte de qualité sonore)