J’aimerais prendre quelques minutes pour répondre à l’excellent article d’Anastasia Lévy «Le Record Store Day, ou l’arnaque de la rareté préfabriquée», sur Slate.
Tout d’abord, l’article donne un point de vue très éclairé et très diversifié du Record Store Day, de la part d’une passionnée de l’événement elle-même. On doit réellement passer court le titre-choc. Si vous prenez quelques minutes afin de lire l’article, vous allez vous rendre compte que la personne est une avide fanatique de disques vinyle pour ses propres raisons. Tant mieux! *choc* C’est un excellent article! Oui, moi, qui suis sorti avec 40 disques du RSD dont certains arrachés avec mes dents de mes confrères acheteurs de disques, oui moi qui remis plusieurs disques sur les tablettes pour changer ma sélection, qui ai laissé de bonne grâce deux de mes disques qui m’intéressaient réellement (Buddy Guy et Rush), je dis qu’il y a de l’arnaque et de la rareté préfabriquée!
Si vous épluchez l’article, vous allez vous rendre compte que l’auteure dit exactement ce que nous pensons tous! Il y a des disques qui valent la peine d’être réédités, il y a des disques qui ne sont que des face B qui n’en valent pas la peine. Et pour moi, c’est là le plaisir d’avoir un bon disquaire et d’y parler: de pouvoir dire que cet album n’est qu’une façon de réaliser de l’argent par les grandes étiquettes et de pouvoir dire que ce disque est la bombe rééditée. Parfois, un disquaire devra acheter un disque parce qu’il sait qu’il va bien se vendre et se revendre. C’est son travail! Les temps sont assez difficiles pour les disquaires qu’ils doivent tout de même faire de l’argent quelque part. On peut même ajouter que le Record Store Day aura mis plusieurs disquaires dans l’embarras financier, vu qu’il est impossible de retourner les disques. Donc si un disque se révèle être une bouse mythique, vous êtes pris avec. Si vous avez acheté dix de ces bouses à 40$, vous êtes 400$ dans le trou avec 5 000 exemplaires à 1$ sur Discogs.
Le travail du disquaire est donc devenu celui du gardien de sécurité qui est là pour trois choses: commander des disques qu’il sait être des valeurs sures; commander des disques uniques qui sont des perles rares; ne pas contribuer aux coffres des étiquettes peu scrupuleuses qui ne font que «des créations purement commerciales», tel que paraphrasé de l’article. Il en va non seulement de sa survie, mais aussi de celle de sa relation avec ses clients. Après tout, le client qui va se faire flouer une fois n’y retournera plus.
Le travail de l’acheteur, en plus de faire ses devoirs, est donc de trouver un bon disquaire, de s’y rendre pour le Record Store Day et de lui parler! Discutez avec les employés, les propriétaires, discutez entre vous, parlez aux gens dans le magasin!
Parfois, on se trompe. Mea culpa, on ne peut pas ouvrir les disques, j’étais certain en regardant le disque de l’extérieur que les The Cure étaient gravés picture disc d’un nouveau procédé que j’attends avec avidité. Mais je ne le crois hélas plus, j’étais juste tombé sur un disque parfaitement imprimé qui n’avait pas les artéfacts habituels des picture disc pour les reconnaître. Quand j’ai regardé les autres exemplaires lors du RSD, je me suis rendu compte que je m’étais trompé. Meh! Et je ne suis pas plus dans le secret des dieux que d’autres: les disques, je les ai achetés comme vous, reçus en même temps que vous (mais j’ai eu la chance de les voir emballés la veille). Je me réserve mes critiques et commentaires pour les articles des prochaines semaines.
Et parfois, on découvre de sublimes artistes. Des choses hyper rares qui sont ressorties pour notre plus grand plaisir! Génial! Ou même des grands qui sortent pour la première fois en vinyle un disque incroyable! Malade! Ou des fous qui ont passé des semaines à éplucher le catalogue d’un artiste des années des grandes guerres afin de nous ressortir un disque de compilation ridicule! Hallucinant!
Les premières lignes ne font qu’écrire à peu près de nouveau ce que Mme. Lévy a bien écrit dans son article, mais sous la vision d’un disquaire et d’un passionné du RSD. Bon article comme je disais!
Le seul endroit où je vais chipoter sur l’article est sur le prix des disques et sur la rareté. (Ici, j’«invente» des prix pour fins de simplicité – mais ils sont relativement près de la réalité quand même) Les disques vinyle, ça coûte cher à produire. Faux. Un disque, ça coûte 2$ à graver, pochette incluse. Ce qui est dispendieux, c’est ce qui vient avant: le matriçage spécial pour vinyle, la personne qui grave le disque maître, le processus de plaquage à l’étain et à l’argent. Tout ça, en payant convenablement les gens et pour faire un bon travail, ça coûte 1300$ (Je le rappelle: prix “fictif”!)
Alors si vous réalisez un disque, vous en imprimez 100 copies, ça va vous coûter 1300$ pour les préparatifs et 100*2 = 200$ pour les disques, pochettes, etc. En d’autres mots: 1600$. À ce prix-là, vous n’avez rien fait avec votre disque encore. Vous devrez donc le vendre au bas mot et directement chez vous à 16$ afin de ne pas être déficitaire. Ajoutez les intermédiaires et le uptake du disquaire et votre disque devra se vendre 35$ et vous n’aurez pas fait un sou. Et je ne parle même pas de la production, des licences, des droits, etc. pour les grands artistes.
Imprimez-en donc 300 copies. 2000$ (approximativement encore pour l’exemple). 7$ le disque. Soudainement, ça devient beaucoup plus acceptable! Votre même disque va probablement se vendre 35$ encore une fois, mais tous vos employés vont être payés et vous ne devrez pas vous déplacer vous-même laisser vos disques en consigne chez les disquaires. 300, c’est beaucoup. Vous connaissez probablement Le Couleur, le groupe de musique euro synth pop qui cartonne beaucoup présentement. Deux millions d’écoutes de leur dernier vidéoclip, des spectacles à travers le monde. Eh bien, ils ont gravé 300 de leur dernier disque vinyle, et il en reste après une année!
Imprimez-en donc 700 (4$/disque), 1500 (3$/disque), 3000 (assez près du 2$ par disque), comme la majorité des sorties RSD. Soudainement, vous pourrez y mettre de l’argent, une pochette en encart, recevoir quelques redevances, avoir des trucs extras et soit mettre les disques moins dispendieux, vous permettre des 180g, des demi-vitesses, des semaines de travail de remastering (rémunéré), des disques hexagonales ou un disque double. Ou de sortir le coffret en une multitude de 45 tours, qui revient beaucoup plus cher qu’un seul 12″.
Et là, soit vous allez être déficitaires pour le matériel qui va rester en entrepôt parce que ça ne se sera pas vendu parce que votre projet est méconnu et malgré que ce soit une perle rare, les gens ne le connaissent pas et vont lever le nez injustement dessus. Soit aider avec votre gros groupe qui cartonne à payer pour les plus petits projets de votre étiquette qui eux n’ont pas eu la chance de fonctionner malgré que le disque soit un disque incroyable.
Et pour le reste, il y a votre jugement, votre disquaire, vos amis et la joie d’avoir une concentration de gens qui est là spécifiquement pour vous aider à faire vos choix éclairés. Ne restez pas confinés dans votre petit monde, parlez avec les passionnés! Vous allez pouvoir éviter les mauvais disques et faire les découvertes des perles rares. C’est, à mon avis, la journée pour faire ça; tous les admirateurs y sont et désirent discuter.
Là, vous allez me dire oui, mais Michel, tu as attendu la semaine d’après pour en parler. Eh bien oui … mais petite primeur: ce qui est décrit dans cet article, ça tient pour tous les autres jours de l’année! Il faut conserver son sens critique, et ce, à tous les jours et lors de tous les achats! J’en sais quelque chose, je fais des critiques tous les jours de la semaine et je fais beaucoup de comparatifs vinyles vs CD vs streaming vs V.O. vinyle. Il y a de nouveaux arrivages vinyles toutes les semaines et les principes de demander et de questionner, c’est bon tous les jours!